Conseils à Lhawang Tashi

Jamgon Kongtrul Lodrö Tayé

1. Je prends refuge dans le Guru Padma. Puissent les maîtres Kagyüs m’inspirer et m’aider À me tourner vers les enseignements, l’esprit empli de foi, Et à suivre la voie qui mène à la liberté irréversible.

2. Atisha, seigneur du Tibet, offrit ces conseils : « Si vous êtes dans une foule, surveillez vos paroles. Si vous êtes seul, surveillez votre esprit ». Il formula ainsi deux points essentiels. Puisque l’esprit est la source des fautes Et que la bouche est la porte des fautes, Veillez sans cesse sur votre esprit et votre bouche.

3. Existence et libération, tout est votre propre esprit. Il n’existe pas une seule particule en dehors de cela. Douleur et plaisir, bon et mauvais, haut et bas, Ne sont que de simples concepts surgissant dans votre esprit. Si votre esprit a été purifié, vous êtes un bouddha; Et peu importe où vous êtes, ce lieu est un monde pur; Tous vos actes sont accomplis dans l’état de réalité; Tout ce qui vous apparaît est le déploiement de la conscience primordiale.

4. Par contre, si votre esprit n’a pas été purifié Vous trouverez des défauts même à un bouddha. Même vos parents seront une cause de contrariété. La plupart des apparences vous sembleront hostiles. Espoir, crainte, attirance et aversion surgissent sans cesse. Des années stériles s’écoulent, et votre vie humaine s’achève. Vous nouez des amitiés, mais non sans désaccords. Peu importe où vous habitez, vous n’y êtes pas heureux. Quelles que soient vos richesses, vous n’êtes pas satisfait. Dès que vous avez une chose, il vous en faut une autre. Vous êtes emporté par les distractions de cette vie. Vous avez peut-être l’intention de pratiquer les enseignements, Mais tandis que vous songez : « Je m’y mets maintenant », votre vie se termine.

5. La première fois où vous sentez l’urgence de chercher la liberté, Il vous semble être prêt à tout laisser derrière, Mais vous faites des histoires pour une aiguille, tellement vous êtes rigide. Quand vous éprouvez respect et dévotion, Au début, vous ne pensez à rien d’autre qu’à votre maître, Par contre, après un certain temps, vous découvrez vos doutes. Lorsque vous commencez à ressentir foi et confiance, Vos actes vertueux se succèdent l’un après l’autre, Cependant, à mesure que vous vieillissez, cet effort se dissipe. Si vous trouvez un nouvel ami avec qui l’entente semble excellente, Sa santé et sa vie vous semblent plus importantes que les vôtres, Mais une fois passé l’attrait de la nouveauté, il vous apparaît hostile.

6. La racine de tous ces problèmes que vous rencontrez, C’est que le potentiel de votre esprit n’est pas maîtrisé. Dès que vous pouvez mettre votre esprit à votre service, Vous n’avez plus besoin de vous retirer du monde : L’esprit libre de pensées est lui-même un ermitage. Il devient inutile d’aller à la recherche d’un maître : Votre esprit même est votre maître; c’est le Bouddha. Pourquoi vous en faire avec les pratiques avancées? L’esprit sans distraction est l’essence de la pratique. Il n’est plus nécessaire d’essayer d’éviter les distractions : Elles sont libérées spontanément quand l’attention est stable. Désormais, plus besoin de craindre qu’une émotion surgisse : Une fois que vous connaissez sa nature, elle est conscience primordiale.

7. Le cycle de l’existence et l’état de libération Ne sont rien d’autre que cet esprit même de l’instant, Alors, surveillez constamment votre esprit. Si vous n’arrivez pas, intérieurement, à contrôler votre esprit, Vous ne cesserez jamais de rencontrer des ennemis à l’extérieur. Mais si vous pouvez vaincre cette colère qui vous est intérieure, Vous apaiserez tous les ennemis sur la terre entière. Si vous n’êtes jamais satisfait ou content, Malgré toutes vos richesses, vous demeurez comme un mendiant. Au contraire, celui qui est satisfait et libre de désirs insatiables Est toujours riche, même s’il ne possède rien.

8. Vous êtes heureux d’accomplir de nobles actions dans le monde, Des pratiques spirituelles, et des actes vertueux. L’empreinte de cette joie mène à la naissance dans les mondes supérieurs. Mais la vie y est impermanente, elle demeure dans l’existence cyclique. Regardez l’essence de la joie; voyez la vacuité de sa nature. Cette intuition vous mettra sur le chemin de la liberté.

9. Qui sont impures et causent souffrance et douleur, Lorsque vous pourchassez les pensées et les émotions perturbatrices Comme la colère, l’aversion, le désir et l’attachement, Tout cela mène à une naissance dans les trois mondes inférieurs Où l’existence est emplie de souffrances inconcevables. Quel que soit ce que vous ressentez, souffrance ou émotion perturbatrice, Regardez directement sa nature : elle s’évanouit en vacuité. La conscience primordiale, ce n’est rien d’autre que cela. Il est essentiel de veiller sur votre esprit en tout temps En demeurant sans cesse uni à cet esprit conscient. Toutes les pratiques sont contenues dans le fait de veiller sur l’esprit. Le bodhisattva Shantideva a enseigné comment s’y prendre : « Ceux qui veulent veiller sur leur esprit reçoivent l’instruction D’exercer attention et vigilance sous tous leurs aspects. Je vous en supplie les mains jointes : Veillez ainsi sur votre esprit ». Par conséquent, il est important que vous pratiquiez de cette manière.

10. Tous les objets qui apparaissent dans les six champs sensoriels Ne sont que les manifestations magiques de l’esprit même. Celui qui tente de les rejeter ou de les attirer a l’esprit brouillé. L’idéal est d’emprunter la voie qui égalise tout en un seul goût, Mais si vous êtes un pratiquant qui débute, on vous conseille De maintenir la vue la plus haute, tout en agissant de manière impeccable, D’apprécier la rareté de la vie humaine et les occasions qu’elle offre, De penser constamment à la mort et à l’impermanence, Et de développer une certitude quant à la loi de la cause et de l’effet.

11. Si vous voyez quelqu’un mourir ou que vous en entendez parler, Reconnaissez là un signe de ce qui vous attend tôt ou tard. En observant la transition de l’été à l’hiver, Souvenez-vous que toute chose finit par changer. En considérant les abeilles et leurs réserves de miel, Rendez-vous compte que richesses et possessions sont inutiles. Devant une maison en ruine ou une ville désertée, Comprenez que votre propre maison sera vide un jour. En présence d’une personne séparée de la personne qu’elle aime, Songez au jour de la séparation d’avec votre famille et vos amis. Face à celui qu’un malheur vient de frapper, Rappelez-vous que cela pourrait vous arriver aussi.

12. Vous-même et tous les autres, vous êtes exactement comme des rêves. Il n’y a pas une seule particule qui existe vraiment. En demeurant présent dans votre nature véritable, Sans que votre esprit soit modifié par l’effort ou la fabrication, Vous réalisez la vacuité de tout, à l’extérieur et à l’intérieur. Semblable à l’espace, c’est l’union de la clarté et de la vacuité. C’est l’esprit ultime de l’éveil. Envers tous ceux qui ne connaissent pas cette nature des choses, Qui errent dans l’existence cyclique par attachement et fixation, Et qui endurent des souffrances et des douleurs infinies, Vous faites naître spontanément une compassion authentique. C’est l’esprit relatif de l’éveil. Ne vous attachez pas à la compassion; comprenez qu’elle est vide. La compassion s’élève en tant qu’énergie naturelle de la vacuité. Appliquez-vous à cette pratique qui est la plus intime, L’essence de l’union de sutra et mantra.

13. Voici comment vous pouvez réaliser ces enseignements : Cultivez la bonté et la conscience primordiale autant que vous le pouvez. Priez les Trois Joyaux et demandez leur aide. Laissez-vous pénétrer par la dévotion envers votre maître. Fuyez les actes mauvais et conseillez vivement aux autres de faire de même. Encouragez-les à agir le plus vertueusement possible. Prenez la résolution de suivre la Grande Voie. N’omettez jamais de dédier avec altruisme toute la vertu aux autres.

14. À la demande du vertueux pratiquant Dévendra Dont les qualités sont aussi splendides que la lune croissante, Cela fut écrit par le moine connu sous le nom de Lodrö Tayé, Un vieil homme n’ayant que trois intérêts dans la vie.

Puissent pratiques de longévité et pratiques de dharma parvenir à la perfection Et puissent les deux objectifs être spontanément atteints.

Sarva siddhi vastu mangalam

Traduit de l’anglais par Esther Rochon, 2009.